Il s’agit d’un patronyme, comme Peugeot Renault, Ford, Citroën, Bentley, Ferrari, Porsche. A l’œuvre avant 1900, Opel fait partie des pionniers de l’automobile. En 1914, il devint le premier constructeur allemand. Et le resta 15 ans durant.
L’Opel Super 6 Gläser (1937) : cabriolet biplace style de l’entre-deux guerres, goût américain.
Le 120e anniversaire célébré l’année prochaine donne l’occasion de dérouler une aventure industrielle échelonnée sur trois siècles. Longue, la route tracée par Opel, mais singulière avant tout.
Le récit imprimé dans le marbre, les empreintes visibles dans le patrimoine de la maison, glorifient Adam Opel (1837-1895). Escamotée, ou peu s’en faut, Sophie Opel née Scheller (1840-1913).
Sophie et Adam Opel, l’année de leur mariage (1868).
Machines à coudre et bicyclettes
Habile fils d’un ferronnier de Rüsselsheim (Hesse), Adam créa certes l’entreprise en 1862. Il avait 25 ans. Il venait de réaliser de ses mains une machine à coudre inspirée du modèle qu’il avait vu lors de précédentes vacances à Paris. Ses ateliers vont multiplier le prototype.
Dès 1870, les machines à coudre Opel sortent à cadence industrielle. Il s’en vend loin : en France, en Russie, aux Etats-Unis et jusqu’en Inde. En 1886, Adam introduit une fabrication supplémentaire : les bicyclettes.
Il n’ira pas plus loin dans la diversification. La fièvre typhoïde l’emporte en 1895. Il avait 58 ans.
La populaire 4 P/S (1909), appelée « Voiture du docteur » : la première automobile totalement conçue par Opel.
Sophie aux commandes
Contrairement à Louis Renault, Henry Ford, André Citroën, Walter Owen Bentley, Enzo Ferrari, Ferdinand Porsche et maints autres fondateurs, Adam Opel n’a pas vu la première automobile estampillée de son patronyme.
La firme qui compte à sa mort 1500 salariés poursuit ses activités. Sophie a pris les commandes. Secondent la veuve du patron, ses trois plus grands garçons : Carl, Friedrich et Wilhelm. Agés de 26, 24 et 20 ans, ils pressent « mutter » de voir plus loin que la bicyclette. Sur leurs conseils, Sophie décide de passer à la « voiture sans chevaux » (1899). Dans la foulée, elle y ajoutera la motocyclette (1901).
La Kadett originelle (1937) : moderne avec sa caisse autoporteuse, ses quatre roues indépendantes et son circuit hydraulique de freins.
Rodage sur des clones
La première Opel à quatre roues avec moteur relève plus du clonage que de la création. L’usine a mis sur le marché une « Opel Système Lutzmann ». Rodage. Clair aveu de fabrication sous licence. Précédemment, la première bicyclette Opel reproduisait sans plus de détours un vélocipède anglais.
De la même démarche naît, en 1902, le deuxième modèle d’automobile fabriqué à Rüsselsheim. L’Opel « Système Darracq » succède à la Lutzmann. C’est en 1909 que l’industriel prendra définitivement son essor. « Totalement conçue par Opel », la 4 P/S cumule les atouts pour plaire et convenir au grand nombre.
Le coupé Rekord P2 (1960) : carrosserie biton, lignes et calandre américaines.
Les Allemands affectueux Compacte, légère et maniable pour l’époque, moderne avec son moteur 4 cylindres, la 4 P/S met de bonne humeur côté prix. Dans une offre automobile à quelque 20 000 marks pièce, les vendeurs l’affichent entre 4 000 à 5 000 marks.
Cette Opel populaire, les Allemands qui la regardent passer dans la rue, qui l’entendent hoqueter sous leurs fenêtres, la désignent autrement que par son nom. Affectueux, ils disent « La voiture du docteur ».
En 1914, les 3 335 véhicules produits hissent Opel au premier rang des constructeurs d’outre-Rhin. L’industrialisation s’accélère. En 1924, Friedrich qui a rang d’ingénieur en chef et son frère Wilhelm lancent l’assemblage des automobiles à la chaîne. Ainsi construite, la 4/12 PS baptisée Rainette s’affiche à 3 900 Goldmarks. C’est une biplace qui file à 60 km/h. Mémorable aussi, la « Voiture pour tous » à 1 930 reichmarks.
L’Ascona Voyage (1970) : un break bicolore américain en réduction.
Raid General Motors sur Rüsselsheim
En 1928, Opel toujours numéro 1 allemand avec 42 771 véhicules livrés dans les 12 mois, compte 8 000 salariés. Une sorte d’apogée. Frappé par la grande dépression, le colosse devient une proie pour les investisseurs.
En 1929, General Motors détient 80% du capital. En raflant l’année suivante les 20% restant, le géant de Detroit intègre Opel à la galaxie de ses marques (Chevrolet, Pontiac, Oldsmobile, Buick, Cadillac, Vauxhall) et ajoute à ses actifs la plus grande usine d’automobiles d’Allemagne.
L’Ascona 400 (1982) championne du monde de rallye aux mains de Walter Röhrl.
Celle qui subjugua Louis Renault
Rüsselsheim ne cessera pas pour autant de concevoir, construire et commercialiser des voitures typiquement européennes. La Kadett de 1937, première Opel à carrosserie autoporteuse, roues avant indépendantes et freins hydrauliques, donnera même des idées à Louis Renault.
A la sortie de la Juvaquatre, en 1938, Billancourt essuie une condamnation pour plagiat. Trop ressemblants le style, le gabarit, les prestations, la technologie de la « première Renault à caisse autoporteuse, quatre roues indépendantes et circuit hydraulique de freins ». Après la seconde guerre mondiale, la Moskvitch 400 surgira des gravats, à l’Est, sur les plans de la même Kadett 1937. Impunément.
Le Speedster Turbo (2003) : une Opel radicale, style et mécanique.
Cinq Opel « Voiture européenne de l’année »
Dans la seconde moitié du XXe siècle et après 2000, prennent la route des Opel diversement marquantes.
Les unes obligent à se retourner sur elles : le break Olympia Rekord Caravan (1954), le break Ascona Voyage (1970), le coupé Manta (1975), le coupé Monza (1978), la Tigra TwinTop (2004). D’autres allument l’asphalte : le coupé Commodore GSE (1970), la GT (1968), la Kadett GTE (1975), l’Ascona 400 de Walter Röhrl champion du monde des rallyes 1982, l’Astra OPC X-Treme (2001), le Speedster Turbo 2003.
Au concours « Voiture européenne de l’année », Opel a triomphé cinq fois. Avec la Kadett en 1985, l’Omega en 1987, l’Insignia en 2009, l’Ampera (électrique à autonomie prolongée) en 2012, l’Astra en 2016.
Le monospace Zafira (1999) : 7 places ou 2 sans déposer un seul fauteuil, et des marchandises acheminées sans une goutte de pétrole brûlé.
Des Opel « goût américain »
Restera encore dans l’histoire, la Calibra (1990) : 204 ch, 4 roues motrices, un Cx record du monde dans la catégorie (0.26) et des « performances valant deux fois son prix ». Pas oubliable non plus, le Zafira (1999). A bord de ce monospace, les fauteuils des 2e et 3e rangs s’escamotent dans le plancher. Dans les premières années 2000, circulèrent en silence – et en démonstration - des Zafira de livraisons badgés « Hydrogen3 GM Fuel Cell Technology ».
Bien avant l’exhibition de ces monospaces à hydrogène, des Opel « goût américain » ont, depuis 1928, sillonné villes et campagnes. Aux yeux de tous, elles attestaient l’implication de General Motors dans l’ex première marque automobile germanique.
Particulièrement éloquents, le modèle Super 6 de 1937, surtout en roadster ; la Kapitän de 1938 ; le coupé Rekord P2 de 1960 ; la Diplomat deuxième génération de 1969 ; le cabriolet Cascada de 2013. .
La Diplomat deuxième génération (1969) : mieux qu’une Cadillac.
La Cadillac made in Germany
De la Diplomat, le président de GM France disait à l’époque : « C’est mieux qu’une Cadillac ». Pas mécontent du haussement de sourcils chez l’interlocuteur, il expliquait : « Elle associe moteur V8 et pont de Dion, la Cadillac a gardé son essieu rigide à l’arrière ».
En 1997, Opel osa une limousine goût américain sans filtre. La Catera. Badgée Cadillac, proclamée « Cadillac pour les jeunes », la Cadillac Catera by Opel, la Cadillac made in Germany ne resta pas deux ans au catalogue.
L’aventure transatlantique aura duré 89 ans. Bye bye General Motors. Le 6 mars 2017, Opel (70 millions d’automobiles au compteur) a rejoint Peugeot, Citroën et DS dans le groupe PSA. Une autre histoire a commencé.
Dominique Faivre-Duboz
La Cadillac Catera (1997) : fabriquée – brièvement - par Opel.
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